bon Lucilio prendre les fleurs, les baiser avec beaucoup de passion, et les mettre dans son justaucorps, fleurs, épines et tout, comme s’il eût pris plaisir à en sentir la piqûre en même temps que la douceur. Et il marchait par la chambre, pressant de ses deux mains ce calice d’amour sur sa poitrine.
— De mieux en mieux, Adamas ! Et après ?
— Après, la Morisque est entrée par une autre porte et lui a dit : « Est-ce l’heure d’appeler Mario pour la leçon ? »
— Qu’a-t-il répondu ?
— De ses yeux et de sa tête, il a dit non ; par où j’ai vu qu’il souhaitait la retenir. Elle a voulu s’en aller, pensant qu’il était occupé à ses grandes singeries ; car, avec lui, monsieur, elle se tient comme une servante qui n’a pas du tout l’idée de plaire à son maître. Mais lui, il a frappé sur la table pour la rappeler. Elle est revenue. Ils se sont regardés ; pas longtemps, car elle a vitement baissé ses beaux yeux noirs, et elle lui a dit en arabe, du moins je l’ai présumé à son air :
«
— Qu’est-ce que tu veux, mon maître ? »
Il lui a montré le gobelet où elle avait mis les roses, et elle, ne les voyant plus, a dit encore :
«
— C’est ce méchant espiègle d’Adamas qui les a ôtées, car je ne les oublie jamais. »
— Elle a dit cela ?
— Oui, monsieur, en arabe. J’ai très-bien deviné tout ! Alors elle a couru pour chercher d’autres fleurs, et il l’a suivie jusqu’à la porte comme un homme qui se défend contre lui-même. Il est revenu à sa table, il a mis sa tête dans ses mains et il a eu, monsieur, je vous en réponds, les plus beaux sentiments du monde dans le cœur, pour accorder son amour avec sa vertu.