Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/261

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— Mon grand ami, lui dit-il, la Morisque a bientôt la trentaine, et vous, vous dépassez la quarantaine. Vous êtes donc encore assez jeunes pour vous plaire l’un à l’autre, et vos âges sont fort bien assortis ; mais, sans vous offenser, vous n’êtes plus des adolescents pour laisser des pages blanches dans le livre de votre félicité ! Profitez des belles années qui vous restent. Mariez-vous. Je ferai avec Mario un voyage pendant quelques mois, durant lesquels je lui dirai que j’ai eu seul l’idée d’un mariage de raison entre Mercédès et vous. J’inventerai des prétextes pour que vous n’ayez pu attendre notre retour, et, quand il vous reverra, son esprit sera tout habitué à cette nouvelle situation. Le mariage rend toutes choses sérieuses, et, d’ailleurs, je me fie à vous pour cacher vos lunes de miel derrière les épaisses nuées de la prudence et de la retenue.

Le marquis conduisit donc Mario à Paris. Il lui fit voir le roi à la cour, mais de loin ; car le monde était bien changé depuis quinze ans que le bon Sylvain vivait dans ses terres. Les amis de sa jeunesse étaient morts, ou, comme lui, retirés du fracas de la société nouvelle. Le peu de grands personnages encore debout qu’il avait approchés autrefois se souvenaient de lui médiocrement, et, sans ses vieux atours, l’eussent à peine reconnu.

Cependant la figure intéressante et les modestes manières de Mario furent remarquées : on fit bon accueil aux beaux messieurs dans quelques maisons distinguées, on ne leur parla pas de les pousser plus haut ; et, de fait, ils ne souhaitaient ni l’un ni l’autre bien vivement de se rapprocher du pâle soleil de Louis XIII.

Mario avait éprouvé une grande déception en voyant passer à cheval le fils effaré de Henri IV, et le marquis n’avait pas été encouragé par cette physionomie à poursuivre