Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/263

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Le bon Sylvain était donc bien effacé dans cette foule oublieuse et pimpante, quelque effort qu’il fît pour y paraître aussi grand que sa taille. Il se disait, avec quelque dépit, que mieux vaut être le premier de son village que le dernier à la cour. Il est certain pourtant qu’avec un peu d’audace et d’intrigue, il eût pu y pousser Mario comme tant d’autres ; mais il redouta quelque affront à propos de son problématique marquisat.

Il se résigna à faire le badaud de province, et se fût grandement ennuyé si Mario, toujours studieux et artiste sérieux dans ses goûts, ne l’eût entraîné à voir les monuments d’art et de science qui faisaient pour lui le principal attrait de la capitale du royaume.

Le plaisir et le profit que le jeune homme en retira consolèrent un peu le vieillard de ce qu’en lui-même il appelait un voyage manqué.

Il ne se vantait pas à Mario de toutes ses déceptions. Il avait toujours eu l’espoir de lui faire retrouver sa famille maternelle et de lui reconquérir par là quelque beau titre espagnol, avec un héritage quelconque.

Il avait maintes fois écrit en Espagne pour avoir des informations et pour en faire donner sur le compte de Mario, dans le cas où ladite famille y prendrait intérêt. Il n’avait jamais reçu que des réponses vagues, peut-être évasives.

À Paris, il s’était décidé à se rendre de sa personne à l’ambassade. Il y fut reçu par une manière de secrétaire intime qui lui répondit, en substance, que, sur ses fréquentes demandes, on avait enfin éclairci une affaire mystérieuse. La jeune dame enlevée et disparue appartenait, en effet, à la noble famille de Mérida, et Mario était le fruit d’un mariage clandestin que l’on pouvait contester.