Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/265

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— Eh bien, non, monsieur, vous ne la connaissez point : c’est un mystérieux qui vous aime tant, qu’il n’ose jamais avoir une idée pour vous tracasser ou une peine à vous faire partager. Mais je sais le fond du sac : Mario rêve de guerre autant que d’amour, et le temps est proche où, si vous ne devinez point ses ambitions, vous le verrez devenir triste ou malade.

— À Dieu ne plaise ! s’écria le marquis. Je le veux interroger là-dessus dès demain !

Quand on dit demain, en pareille affaire, c’est dire que l’on recule, et le marquis recula, en effet. La faiblesse paternelle livra en lui un grand combat à l’orgueil paternel, et elle triompha. Mario n’était pas encore de force à supporter les fatigues de la guerre, et, d’ailleurs, la guerre que tout annonçait avec l’Angleterre ou l’Espagne semblait un peu ajournée par les grands efforts de Richelieu pour la création d’une marine française. On ne devait pas se presser ; on avait le temps : on s’y trouverait bien assez tôt !

On retourna donc à Briantes à la fin de l’automne, et ou trouva Lucilio marié avec Mercédès.

Mario, en apprenant cette nouvelle à Paris, en avait témoigné plus de satisfaction que de surprise. Il avait depuis longtemps senti, dans l’air embrasé que lui soufflait involontairement sa Morisque, aussi bien que dans la suave mélancolie de Lucilio, et jusque dans le langage ardent et tendre de la sourdeline, les effluves de passion qui l’embrasaient parfois lui-même. Il eut le cœur pris dans un étau à la pensée de l’amour heureux ; mais il avait un empire extraordinaire sur lui-même. Son père ne vivant que de sa vie, il s’était, de bonne heure, habitué à lui cacher ses émotions ; et,