Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/274

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— Mon père n’a pas eu besoin de se rattacher à la cause de son pays, monsieur ! C’est vous dire qu’il embrasse chaudement celle du cardinal contre tous les ennemis de la France.

— Voire contre les huguenots ?

— Les huguenots ne sont plus, monsieur ! Laissons en paix les morts !

M. Poulain fut encore frappé de la dignité d’expression de ce visage si doux. Il sentit qu’il n’avait pas affaire à un jeune homme ambitieux et frivole comme les autres.

— Vous avez raison, monsieur, dit-il. Paix à la cendre des Rochelois, et que Dieu vous entende, afin qu’ils ne revivent point à Montauban et ailleurs. Puisque votre père est si bien revenu de son indifférence religieuse, espérons qu’il vous permettra, au besoin, de marcher contre les rebelles du Midi.

— Mon père m’a toujours permis et me permettra toujours de suivre mon inclination ; mais sachez, monsieur, qu’elle ne sera jamais de marcher contre les protestants, à moins que je ne voie la monarchie en grand péril. Jamais, par ambition ou par gloriole, je ne tirerai l’épée contre des Français ; jamais je n’oublierai que cette cause, jadis glorieuse, aujourd’hui infortunée, a mis Henri IV sur le trône. Vous avez été nourri dans l’esprit de la Ligue, M. Poulain, et aujourd’hui vous le combattez de toutes vos forces. Vous avez été du mal au bien, du faux au vrai ; moi, j’ai vécu et je mourrai dans le chemin où l’on m’a mis : fidélité à mon pays, horreur des intrigues avec l’étranger. J’ai moins de mérite que vous, n’ayant point eu lieu de me convertir ; mais je vous jure que je ferai de mon mieux, et que, tout en respectant la liberté de conscience chez les autres,