Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/279

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beau pour son grand âge. Il ne connaissait pas, il ne devait jamais connaître les infirmités. Il avait encore ses dents ; son grand front chauve était sillonné de belles rides bien tracées, aucun pli de malice ni de haine ; sa moustache et sa royale, blanches comme neige, se dessinaient sur son teint jaune-brun, et son grand œil vif et riant envoyait encore de doux éclairs à travers le buisson de ses longs sourcils effarouchés.

Il se tenait toujours droit comme un peuplier, et roide à l’avenant ; mais il ne se cachait plus d’enfoncer son maigre genou dans la puissante main d’Aristandre, pour enfourcher son cheval. Une fois en selle, il était ferme comme un roc.

Il reçut dès lors tant de compliments non équivoques sur sa belle vieillesse, qu’il changea tout son système de coquetterie : au lieu de cacher son âge, il l’augmenta, se donnant quatre-vingts ans, quoiqu’il n’en eût que soixante-seize, et se plaisant à émerveiller ses jeunes compagnons d’armes par le récit des vieilles guerres, longtemps ensevelies dans les archives de sa mémoire.

Le 3 mars, c’est-à-dire le surlendemain de la rencontre des beaux messieurs de Bois-Doré avec M. Poulain, l’avant-garde royale, forte de dix ou douze mille hommes d’élite, campait à Chaumont, dernier village de la frontière. Les volontaires, n’ayant guère de matériel de campement, passèrent la nuit comme ils purent dans le village.

Le marquis se mit tranquillement dans le premier lit venu, et s’endormit en homme rompu au métier de la guerre, sachant mettre à profit les heures de repos, dormir une heure quand il n’avait qu’une heure, et douze, par provision, quand il n’avait rien de mieux à faire.

Mario, vivement excité par l’impatience de se battre,