Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/71

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tout son monde, mit ses grandes jambes presque dans le feu, fit placer une petite table ronde à côté de lui, et pria Lucilio de lire des yeux certains papiers qu’il apportait, tandis que Mario les traduirait tout haut de son mieux.

Les papiers étaient écrits en langue espagnole, sous forme de notes rassemblées pour un mémoire et réunies par une courroie. Il n’y avait ni adresse, ni cachet, ni signature.

C’était une série de renseignements officieux ou officiels sur l’état des esprits en France, sur les dispositions présumées ou surprises de divers personnages plus ou moins importants pour la politique espagnole ; sur l’opinion publique à cet égard ; enfin une sorte de travail diplomatique assez bien fait, quoique inachevé et en partie à l’état de brouillon.

On y voyait que d’Alvimar, dont, pendant ces quelques jours de résidence à Briantes, on ne s’était pas expliqué la vie de retraite et les longues écritures, n’avait pas cessé de rendre compte à un prince, ministre ou protecteur quelconque, d’une sorte de mission secrète, très-hostile à la France et pleine d’aversion et de dédain pour les Français de toutes les classes avec lesquels il s’était trouvé en relation.

Cette minutieuse critique n’était pas sans esprit, partant sans intérêt. D’Alvimar avait l’intelligence subtile et le raisonnement spécieux. Faute de relations aussi élevées et aussi intimes qu’il les eût souhaitées pour le progrès de sa fortune et l’importance de son rôle, il était habile à commenter un petit fait observé, et à interpréter une parole surprise ou recueillie en passant : un propos, un bruit, une réflexion venant du premier venu, dans quelque lieu qu’il se trouvât, tout lui servait, et