Page:Sand - Les Beaux Messieurs de Bois-Dore vol2.djvu/72

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l’on voyait dans ce travail, à la fois perfide et puéril, la tendance irrésistible et la secrète satisfaction d’une âme pleine de bile, d’envie et de souffrance.

Lucilio, qui devina, dès les premières lignes, l’intérêt que le marquis prenait à cette trouvaille, chercha dans les derniers feuillets, et trouva bien vite celui-ci, que Mario traduisit couramment, presque sans hésitation, en regardant de ses beaux yeux dans les beaux yeux de son professeur à la fin de chaque phrase, pour s’assurer rapidement, avant de poursuivre, qu’il n’avait pas fait de contre-sens :

« Pour ce qui est du pr… de C…é, je ferai en sorte d’approcher de sa personne : j’ai eu des renseignements d’un ecclésiastique intelligent et intrigant qui peut être utile.

» Retenez le nom de Poulain, recteur à Briantes. Il est de Bourges et sait beaucoup de choses, notamment sur ledit prince, lequel est fort avide d’argent et fort peu capable du côté de la politique ; mais il ira où l’ambition le poussera. On pourrait le leurrer de grandes espérances et s’en servir comme on a fait des Guises, car il n’a de Condé que le nom, et craint toutes choses et toutes gens.

» Il est donc plus malaisé à prendre qu’il ne paraît. Sa personne n’est bonne à rien. Son nom est encore un parti. Dans l’espoir d’être roi, il est prêt à donner beaucoup de gages à la très-sainte I…, sauf à se retourner si c’était son intérêt. On dit qu’il ne reculerait pas à se défaire du R… et de son frère, et que, dans un besoin, on pourrait frapper haut et fort au moyen de ce pauvre esprit et de ce faible bras.

» Si c’est votre opinion de le nourrir dans cette pensée, faites-le savoir à votre très-humble… »