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les sept cordes de la lyre

fois avec vous. Oh ! vous n’en serez pas fâché ! Je m’entends un peu à tout, même à la musique ; et, si vous voulez, nous ferons ensemble un ouvrage pour expliquer le phénomène harmonico-magnétique qui fait jouer cette lyre toute seule entre les bras d’Hélène.

albertus. Hélène ! que savez-vous d’Hélène ?

méphistophélès. Oh ! votre belle pupille n’est pas tellement cachée dans votre maison, que le bruit de sa folie miraculeuse ne se soit répandu dans la ville. D’ailleurs, je me suis souvent tenu ici près pendant qu’elle magnétisait sa lyre, et j’ai reconnu, aux sons qu’elle en tirait, la nature de l’instrument, aussi bien que celle de la catalepsie.

albertus. Monsieur, vous parlez là d’une chose qui m’intéresse beaucoup, et, si vous avez quelques notions sur ce phénomène, je vous prie, au nom de la science et au nom de la vérité, de me les communiquer.

méphistophélès. Oui-da ! vous n’êtes pas dégoûté, monsieur le philosophe ! mais vous auriez trop de raison pour comprendre ce que je me hasarderais à vous expliquer.

albertus. Peut-être, au contraire, n’en aurais-je pas assez. Pourtant je m’efforcerai de me dégager de tout orgueil philosophique.

méphistophélès. Non, vous avez trop de préjugés !… La raison, c’est-à-dire l’amour obstiné de l’évidence, est la plus opiniâtre des idées fausses.

albertus. Hélas ! monsieur, vous ne savez pas à qui vous parlez ; et peut-être étiez-vous plus près de la vérité que vous ne le pensiez, en me disant tout à l’heure qu’à force de croire à tout je ne croyais à rien.