Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/216

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— Taisez-vous, mon Dieu, taisez-vous, lui disais-je. Attendez pour me parler ainsi que sir Richard soit là, et, s’il est vrai qu’il ne songe pas, qu’il n’ait jamais songé…

Elle mit ses mains sur ma bouche.

— Il faut me dire que vous m’aimez ou ne rien dire du tout, reprit-elle avec une décision extraordinaire. Nous n’avons pas besoin de la permission de Richard, il est trop honnête homme et trop bon pour ne pas m’approuver. Il vous connaît, il n’estime personne plus que vous ; mais comment voulez-vous que je lui ouvre mon cœur, si vous ne me livrez pas le vôtre ? Voyons, un mot divin, je t’aime ! voilà tout ce que je te demande. Ta bouche est-elle impure, la mienne est-elle souillée, que nous ne puissions le dire ensemble ? Que crains-tu de moi ? parle !

— Je crains tout, m’écriai-je, je crains surtout…

— Ah ! oui, je sais ! les bienfaits de Richard, la dot qu’il me destine ! Un honnête homme n’acceptera jamais cela, tu l’as dit dans un moment où tu doutais de moi ; mais tu sais bien, tu vois bien à présent que je n’ai jamais été à lui ni à personne. Il a le droit de me traiter comme si j’étais une fille naturelle, et il faut bien que j’accepte ses bienfaits, puisque je ne sais rien faire pour assurer mon existence.