Page:Sand - Ma Soeur Jeanne.djvu/355

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Tout cela était bien simple, mais il nous fallut des heures pour nous le dire, et il nous semblait encore ne nous être rien dit de ce que nous avions à nous dire.

M. Brudnel voulait nous quitter avant les fiançailles. Je résolus de savoir par-moi-même si les craintes relatives à la mémoire de Fanny Ellingston étaient fondées. Il me semblait que ni ma mère ni lui ne se rendaient bien compte de la rapidité avec laquelle plus de vingt ans écoulés emportent chez les indifférents l’impression des événements particuliers. La personne qu’il pouvait le mieux consulter à cet égard était son banquier de Bordeaux, qui avait été celui de la famille de Mauville, et que précisément il n’avait pas osé interroger dans la crainte de se trahir. Je me rendis chez lui de sa part pour y prendre quelques fonds, et je réussis à lui plaire assez pour qu’il me retînt à dîner. Voici les renseignements que me fournirent sa conversation et celle des autres personnes que je pus tâter plus tard, avec toutes les précautions voulues.

Le marquis de Mauville, mort fou, était, de l’avis général, un malheureux caractère sans consistance et que personne ne pouvait prendre au sérieux. On allait, comme il arrive toujours, jusqu’à l’injustice, on n’admettait pas qu’il eût jamais eu de griefs sérieux contre sa femme, qui, malgré sa faute, restait blanche