Ne le prenez pas cependant pour un despote. Quand vous le connaîtrez, vous verrez qu’avec lui ma liberté ne court pas de risques bien sérieux : ce n’est donc pas lui que je crains pour moi, c’est vous, Émile, que je crains pour lui.
— Expliquez-vous.
— Eh bien, je crains qu’il ne vous impatiente et ne vous irrite. Ses théories vous blesseront certainement, et la manière dont il procédera avec vous vous révoltera, j’en ai grand’peur.
— Voyons, je crois y être préparé : il me demandera si je suis bon catholique. Eh bien, étant catholique lui-même, il a le droit de m’interroger, et je subirai l’interrogatoire avec le plus grand calme.
— Mais vous ne le tromperez pas sur vos principes religieux ?
— Certainement non… Alors il me refusera votre main ?
— Voilà ce que je ne puis vous dire, je n’en sais absolument rien. Il y a deux ans, mon père eût fait meilleur marché que moi de la croyance ; mais le voilà bien changé, et, je le dis avec regret, sa conversion n’a pas ouvert son esprit à l’aménité. Que ferez-vous, Émile, s’il vous déclare qu’il faut faire acte de catholicisme pour m’obtenir ?
— Je reculerai, comme on fait avec les enfants, pour détourner l’orage. Je lui demanderai de prendre le temps de me connaître, et alors tout dépendra de vous.
— Comment cela ?
— Si vous m’aimez assez pour embrasser mes idées, vous userez de votre légitime ascendant sur lui pour l’amener à approuver notre union.
— Ah ! oui ; mais nous sommes dans une impasse. Pour que nos idées arrivent à se fondre, il ne faut pas