Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/18

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s’en moque avec quelque maligne compagne, aussi agitée, aussi affolée qu’elle-même. Toutes deux sont innocentes, fières et froides ; ce n’est encore ni pat le cœur ni par les sens qu’elles vivent et tressaillent : c’est par la vanité, par la soif d’être remarquées, par l’ambition de planer un jour sur cette foule où elles se glissent aujourd’hui timides et rieuses. Rien de plus chaste et de plus inoffensif que ce vertige de l’adolescence : rien de plus funeste si, dans les profondeurs de l’âme, un puissant germe de dignité ne se tient prêt à vaincre la soif du succès et les convoitises du luxe.

C’est ce germe de la véritable fierté féminine que ma tante n’avait pu développer chez sa fille. Là encore, elle s’était heurtée à des obstacles inévitables. Peut-on dire à une fille de quatorze ou quinze ans à quelles chutes conduisent les enivrements qui l’enlacent ? Si elle les ignore, elle ne s’en méfiera pas. Si elle les sait, elle voudra les braver, soit par curiosité, soit par dédain.

Un peu plus tard, l’instruction complète donnée à la jeune tête devient plus dangereuse encore, car nul ne sait le mystère qui s’accomplit en elle. Ma tante m’accordait une entière confiance et m’avouait ses perplexités. J’étais d’un avis différent du sien. Elle eût voulu envelopper son Erneste d’un nuage impénétrable et la conserver vierge d’imagination jusqu’au jour où paraîtrait l’objet de l’amour permis. Il me semblait, au contraire, que, pour son âge, ma jeune cousine n’était pas assez développée dans le sens de la femme, et qu’il eût mieux valu pour elle rêver d’amour que d’ambition.

Quoi qu’il en soit, Erneste, quand son système ner-