Page:Sand - Mademoiselle Merquem.djvu/19

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veux était au beau, avait toutes les grâces d’une aimable enfant : elle chérissait sa mère, elle était douce et généreuse, elle montrait des aptitudes intelligentes ; mais, quand passait la rafale, c’était la migraine, le dépit, les larmes, les jours de diète volontaire, les bruyantes insomnies, mille langueurs, mille caprices, et, par contre-coup, mille cruautés dont saignait le cœur maternel.

Je n’avais aucun empire sur elle, et je crois même que je lui inspirais alors de l’aversion. J’étais un frère trop clairvoyant, un ami trop sincère. J’aurais pris de l’ascendant au moyen d’un système d’adroite flatterie ; mais alors j’aurais plu peut-être, et c’est ce que je ne voulais à aucun prix.

Je connaissais le Plantier pour être venu, au nom de ma tante, en négocier l’achat ; mais, absent depuis quelques mois, je n’avais pu l’aider à y donner les derniers soins, et je fus agréablement surpris de voir avec quel goût elle avait su accommoder sa modeste résidence à ses besoins et à ses ressources. C’était moins un petit château qu’une grande vieille maison normande avec ses reliefs et ses ornements de bois encadrant des panneaux de silex grisâtre. Ces chalets du Nord ont leur physionomie et leur mérite ; ils sont complets pour le peintre quand ils sont, comme celui du Plantier, chamarrés de vignes et de chèvrefeuilles dont les enroulements égayent la froideur de ton des matériaux. Le dernier étage, mansardé, avait comme revêtement, entre chaque croisée, une savante imbrication d’ardoises ; au second, ces revêtements étaient en chêne simulant des écailles. Cela n’était pas beau, mais offrait à l’œil la sensation du solide et du confortable sous un climat pluvieux,