Page:Sand - Malgretout.djvu/201

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Nouville me remercia et m’approuva. Dès lors il subit toutes les conditions que je lui imposais. Je ne voulais pas qu’Abel fût averti du chagrin qu’il m’avait causé ; je ne voulais pas qu’on lui parlât de moi, que l’on me rappelât à son souvenir. J’exigeais qu’il fût laissé à lui-même, absolument libre, et que Nouville ne me parlât plus de lui jusqu’au jour marqué pour la fin de l’épreuve. Je repartis le soir même pour les Ardennes, et je m’y trouvai plus calme.

En effet, Nouville m’avait influencée sérieusement, et, chose étrange, il m’était moins amer de supposer mille infidélités que d’être certaine d’en avoir vu une seule. Je me grondai d’avoir été si prompte au soupçon, et je rougis de la facilité avec laquelle j’avais donné accès en moi à la jalousie. Je pensai avec une satisfaction enfantine à cette femme qui m’avait semblé devoir être si belle, et qui avait quarante ans et les joues fardées. Je me surpris, en peignant mes cheveux, à me dire que, si je voulais les boucler et les étaler sur moi, au lieu de les rouler modestement autour de ma tête, ils couvriraient non pas seulement mon dos, mais ma personne tout entière. Que vous dirai-je ? J’avais eu une colère puérile, je me donnais de puériles consolations ; je désirais être jolie, puisque Abel était fasciné par la beauté. Je regardais curieusement des types que j’avais vus cent fois. Je cherchais dans les marbres et les estampes de mon père les plus