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Page:Sand - Mauprat.djvu/90

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viennent ! Ah ! si tu ne veux pas me défendre, tue-moi tout de suite !

Elle se jeta dans mes bras. L’amour et la jalousie gagnaient de plus en plus en moi ; j’eus, en effet, l’idée de la tuer, et j’eus la main sur mon couteau de chasse tout le temps que j’entendis du bruit et de voix dans le voisinage de la salle.

C’étaient des cris de victoire. Je maudis le ciel de ne l’avoir pas donnée à nos ennemis. Je pressai Edmée sur ma poitrine, et nous restâmes immobiles dans les bras l’un de l’autre, jusqu’à ce qu’un nouveau coup de fusil annonçât que le combat recommençait. Alors je la serrai avec passion sur mon cœur.

— Tu me rappelles, lui dis-je, une pauvre tourterelle qui, étant poursuivie par le milan, vint, un jour, se jeter dans ma veste et se cacher jusque dans mon sein.

— Et tu ne l’as pas livrée au milan, n’est-ce pas ? reprit Edmée.

— Non, de par tous les diables ! pas plus que je ne te livrerai, toi, le plus joli des oiseaux des bois, à ces méchants oiseaux de nuit qui te menacent.

— Mais comment fuirons-nous ? dit-elle en écoutant avec terreur la fusillade.

— Aisément, lui dis-je ; suis-moi.

Je pris un flambeau, et, levant une trappe, je la fis descendre avec moi dans la cave. De là, nous gagnâmes un souterrain creusé dans le roc, et qui servait autrefois à risquer un grand moyen de défense quand la garnison était plus considérable ; on sortait dans la campagne par une extrémité opposée à la herse, et on tombait sur les derrières des assiégeants, qui se trouvaient pris entre deux feux. Mais il y avait longtemps que la garnison de la Roche-Mauprat ne pouvait plus se diviser en deux corps, et, d’ailleurs, durant la nuit, il y aurait eu folie à se risquer