Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/175

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crânerie de parvenues, pour visiter leurs domaines et distribuer leurs aumônes ; car voulant se faire des amis pour se donner raison contre moi, là où je voulais procurer le travail qui moralise, elles jetaient à pleines mains l’argent qui avilit.

» Comment pouvais-je combattre et défendre mon autorité, quand tous ceux qui m’entouraient, jusqu’à mes plus fidèles serviteurs, jusqu’à mes plus vieux amis, étaient sous le charme et se tournaient contre moi pour m’accuser tantôt de folie, tantôt d’avarice ? Pouvais-je me disculper en leur montrant la profonde perversité de celles qui les méprisaient en les flattant ? Pouvais-je, en présence de mes fermiers et de mes gens, m’opposer à leurs envahissements de pouvoir, leur défendre de commander, et renier les dettes qu’elles me faisaient contracter ?

» Ma vie était un enfer. Je ne pouvais plus me distraire de mes chagrins par la lecture ou la réflexion, et, d’ailleurs, le bruit perpétuel, le bouleversement fantasque, qui régnaient dans ma maison, ne me laissaient plus une heure de repos. L’esprit de vertige d’Irène et de sa mère avait passé dans toutes les têtes. Elles m’amenaient des visites, elles se faisaient des amis, elles m’imposaient des relations. Je me trouvais à toute heure en face d’une lutte impossible : la douceur des instincts et la tendresse du cœur aux prises avec la volonté inflexible et l’absence totale de sensibilité. Je devais être vaincu, moi le plus faible.

» De ces deux tyrans de ma vie, le plus terrible était certainement ma fille. Intelligente et pleine de séductions, elle communiquait à sa mère le profond scepticisme qui était en elle. Elle l’aidait à réagir contre moi, quand un reste d’affection menaçait de