Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/176

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m’épargner. Durement menée par elle dans son enfance, elle avait tout à coup pris le dessus, et la femme obstinée et violente était devenue l’esclave de la jeune fille railleuse et froide.

» Je fus obsédé de vains conseils, mais personne ne m’aida. Les amis et les parents dont j’invoquai l’influence trouvèrent plus simple de plier devant cette volonté inexpugnable qui savait au besoin jouer tous les rôles. Ils tremblèrent d’abord devant ses sarcasmes et se trouvèrent humiliés de ses mépris. C’était chez elle un système qu’elle posséda d’instinct dès l’enfance, et qui ne se démentît jamais. Quand elle avait froissé l’amour-propre et trouvé le point vulnérable de la susceptibilité, elle feignait de s’adoucir, de vous prendre en quelque considération, de revenir peu à peu d’une prévention injuste, et, passant à la câlinerie, elle persuadait à chacun qu’il était son meilleur ami. Certaine de ramener ainsi à elle des esprits d’autant plus flattés de son suffrage qu’elle les avait fait plus souffrir de son dédain, elle se composa de bonne heure une petite cour dont elle arriva à se faire une armée pour me combattre.

» Ah ! j’entends encore ces cruelles et révoltantes paroles autour de moi : « Pauvre homme, laissez-la donc faire ! vous n’êtes pas capable de la diriger, vous n’entendez rien aux choses de ce monde. Vous êtes un rêveur, un poète, un idéaliste. Il est heureux pour votre fille qu’elle ait une meilleure tête que vous ! » Les hommes, les femmes, les gens de toutes les classes étaient épris de sa grâce et de ce qu’ils appelaient son habileté. Ah ! dans ce temps-là, j’ai bien réfléchi à la raison d’être des dictateurs.

» J’ai bien réfléchi aussi à la puissance fatale des