Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/179

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dont nous jouissions. Puis, pour se débarrasser de mes reproches, elle me dit, en riant toujours, que nous étions criblés de dettes, et qu’il lui faudrait bientôt trouver, pour me sauver, quelque autre ressource sur le succès de laquelle elle ne comptait pas me consulter.

» Je pris un parti énergique. Cette richesse mal acquise m’était odieuse, et la menace mystérieuse d’Irène me faisait frémir. Je mis toutes mes propriétés en vente, et j’emmenai ma fille à l’autre bout de la France, sinon dans l’espoir de la convertir, du moins dans celui de rompre les intrigues qu’elle pouvait avoir nouées dans notre pays. Nous avions à peine fait cinquante lieues, qu’elle disparut.

» Je la cherchai, je la retrouvai au bras d’un homme avec lequel je me battis, et qu’elle abandonna, blessé, pour un autre qui refusa de se battre et l’abandonna à son tour. Plusieurs fois je la repris avec moi, et toujours elle m’échappa avec une habileté et une promptitude inouies. Un jour, je la rejoignis dans une petite maison de campagne où elle paraissait vivre seule et dans des conditions modestes. Elle se disait malade et prétendait vouloir rentrer dans le bon chemin. Elle vivait du produit de quelques bijoux, débris de notre splendeur passée, et dont elle sut justifier la possession d’une manière assez plausible. Moi, j’étais ruiné ; mais j’avais, toutes mes dettes payées, le petit revenu de mon patrimoine intact. Elle me supplia de lui pardonner, de rester près d’elle, de l’aider à se bien conduire. Elle s’était, dans sa vie d’aventures, perfectionnée dans l’art de pleurer et de convaincre. Elle jouait admirablement le repentir, et moi, naïf, j’y fus pris. Je m’établis auprès d’elle, et j’y passai