Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/180

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trois mois, presque heureux et rassuré. Je n’avais plus besoin de la prêcher, et mes sermons ne lui causaient cette fois nul ennui ; elle allait au-devant de toute remontrance en s’accusant elle-même. Elle était devenue pieuse, sa conduite paraissait exemplaire. De plus, le caractère était tout changé, aimable, prévenant et facile. Sa gaieté me faisait bien encore un peu de mal : je ne comprenais pas que cette fleur de l’âme eût survécu à la honte ; mais il y avait un si notable amendement dans tout le reste, que je ne voulais pas lui rendre la sagesse maussade, la vertu repoussante.

» Une lettre qui tomba dans mes mains me fit découvrir que ma présence auprès d’Irène servait à un projet d’association avec un riche personnage qui demandait quelques arrhes à sa fidélité : il trouvait bien qu’elle reprit son nom, qu’elle eût pendant une saison les dehors d’une personne modeste, vivant avec un père honorable. À ce prix, il l’aimerait exclusivement et l’établirait dans un château qu’il devait acheter pour elle, et où il désirait que je vinsse m’établir pour la surveiller en même temps que pour couvrir leur liaison, car il n’était pas libre, lui, de faire du scandale : il avait une femme fidèle, une famille puissante, une position très en vue, etc.

» Ainsi ma fille avait réussi à m’attirer dans l’abîme. J’étais avili avec elle, avili pour l’avoir trop aimée, pour avoir poussé le dévouement jusqu’à la bêtise ! J’étais sa dupe depuis trois mois, et, pour peu que j’y misse de bonne volonté, on allait me proposer un sort pour servir de manteau à des turpitudes.

» Je m’enfuis à l’heure même, je quittai la France après avoir été dire au personnage en question que mon mépris payait le sien avec usure. Il fut d’autant