Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/190

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

décidé, avec une admirable bonne foi, à sacrifier l’orgueil de sa vie stoïque et l’amour bien réel qu’il éprouve pour sa retraite. Je crois que le sacrifice sera très-grand, et je voudrais bien que mademoiselle Jeanne en fut digne. Je ne vois pas sans chagrin et sans effroi mon pauvre ami embarqué dans cette entreprise, qui va peut-être le ramener aux agitations et aux douleurs de sa première paternité. C’est pourquoi je l’ai prié, sachant par lui que Jeanne allait revenir à la Tilleraie, de me laisser avant tout observer attentivement les manières et les idées de cette jeune fille. Si je découvrais en elle un mauvais sentiment ou une légèreté incorrigible, mon devoir serait de m’opposer absolument à ce que M. Sylvestre sortit de son repos et risquât de mourir de chagrin et de fatigue pour une ingrate.

Donc, me voici à mon poste, c’est-à-dire à la Tilleraie depuis hier matin. Mademoiselle Jeanne n’y a pas encore paru, et j’ai pu m’occuper un peu de mes propres affaires, dont tu me reproches de ne pas me soucier ou de ne pas songer à t’entretenir.

Il est certain que le roman de mon ermite a pris tant de place dans mes lettres, que j’ai dû te paraître plongé dans une lâche paresse : cela n’est pas. J’ai compris avec toi que mon traité du bonheur pourrait bien prendre dix ans de ma vie sans me rapporter un morceau de pain, que, pour mener à bien une recherche si sérieuse, il ne fallait pas être pressé par le besoin. Je me suis donc essayé à un travail plus rapide et plus positif. J’ai broché en une quinzaine de jours, une étude sur le même sujet, mais pris sous un aspect qui n’engage pas sans appel ma conscience philosophique. C’est une simple recherche historique sur la notion du