un trait que je n’oublierai pas, moi. J’y suis sensible, et je ne veux pas que nous nous quittions sans que… sans que vous goûtiez mon cognac… Oh ! j’ai un cognac !… Va m’en chercher une bouteille, ma femme. Tu sais, le cognac de l’Anglais qui n’a pas payé sa note, mais qui m’a tout de même contenté avec sa cave.
— Ça n’est pas tout, ça, continua M. Diamant aussitôt que sa femme fut sortie : qu’est-ce que vous allez faire à présent ? Chercher une place dans le gouvernement ? C’est les plus belles, celles qui font le plus d’honneur à un jeune homme, et vous avez des amis dans ce qu’il y a de mieux pour vous procurer ça.
— Non, monsieur Diamant, je ne veux plus dépendre de personne si cela m’est possible, et je ne veux pas être fonctionnaire du gouvernement. Je veux garder l’indépendance de mes opinions.
— Alors, dans l’industrie ?
— Non, il faut un capital pour représenter une responsabilité personnelle, et, comme je ne l’ai pas, je serais trop assujetti dans une fonction rétribuée.
— Je vois votre idée ! Vous voulez être auteur !
— Auteur ou tailleur, mon cher Diamant, je veux une profession libre. Je ne fais fi d’aucune, et j’estime, j’admire même les gens qui, pour remplir un devoir, aliènent leur liberté ; mais ma pauvreté et mon isolement me donnent le droit de choisir. Je choisis donc le travail libre : il est bien juste que j’aie les bénéfices de la misère.
— Bien parlé ! Soyez donc auteur, c’est un joli état. J’ai vu votre vaudeville, vous m’aviez envoyé de bonnes places. J’y ai mené ma femme ; elle a beaucoup aimé les couplets de la fin, et elle m’a dit : « Je parie que M. Sorède aura du talent dans sa partie. » Moi, je