Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/221

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une revanche qu’elle veut prendre du refus qu’il a fait de sa fille ? Elle aime à croire avec madame Duport qu’il s’est épris de Jeanne en la connaissant davantage, et qu’il ira vous rejoindre en Suisse, à présent qu’il a trouvé des ressources dans son talent. Après tout, ce n’est pas impossible, et j’ai dû non-seulement laisser cette espérance à madame Irène, mais encore lui en exagérer un peu la solidité. L’important, c’était de la faire consentir à vous laisser Jeanne pour un an. C’est décidé. Fixez l’époque de votre départ. Madame Irène sera censée conduire sa fille en Italie, c’est jusqu’à Lyon seulement qu’elle la conduira, et c’est là que vous l’attendrez pour qu’elle vous soit remise.

Reste à savoir pour combien de temps Jeanne est à vous. Si vous pouvez la marier d’ici à un an, bien certainement elle est à vous pour toujours, et, comme sa volonté est toute-puissante sur sa mère, elle épousera l’homme qu’elle aimera et dont elle sera aimée. Si M. Pierre ne se décide pas à nous faire connaître ses sentiments, je crois qu’elle y renoncera vite et l’oubliera sans effort. Peut-être aussi jugerez-vous à propos de l’inviter à vous rejoindre en voyage, car je ne réponds pas d’avoir raison en supposant que madame Duport se trompe et que Jeanne s’abuse. Ce sont choses très-délicates, et dont je ne peux m’occuper qu’avec beaucoup de réserve et de discrétion.

J’irai demain au rendez-vous que M. Pierre m’a donné de votre part. Je n’ai pas voulu vous laisser vingt-quatre heures dans l’ignorance de ce qui se passe dans le cœur de Jeanne et dans l’esprit de sa mère.

À vous tout mon dévouement.

Aldine Vallier.