Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/23

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quelque chose entre le vert et le jaune qui passe par toutes les nuances du bronze florentin et qui semble toujours doré par le soleil, voire quand le soleil est absent. La rivière n’est qu’un ruisseau que mon cheval, c’est-à-dire le cheval que je n’ai plus, franchirait sans prendre son élan. Elle coule si peu, qu’on la nomme dans le pays la rivière morte. Elle est jolie quand même, très-sinueuse et animée par des lavoirs et de petits ponts assez rustiques. Un chemin, sinueux aussi, coupe avec grâce de vastes prairies et des cultures que je ne distingue pas d’ici, mais qui sont d’un vert admirable, des champs de violettes peut être, car un parfum monte dans l’air et m’annonce le voisinage aimable de ces fleurs dont Paris fait une si belle consommation, depuis le bouquet d’un sou du pauvre jusqu’à la botte embaumée où sourit le charmant perce-neige au cœur vert.

À travers ces cultures fraîches et suaves, les méandres de la rivière sont plantés çà et là de massifs de peupliers de France, d’une taille très-élevée et d’une élégance rare. Le vent les a inclinés en sens divers, une certaine zone a plié sous celui du couchant ; mais, à deux pas de là, un coude de la vallée a livré un autre massif au vent d’est, et ces belles colonnades à double et triple rang semblent penchées pour se saluer de distance en distance.

Au delà, le terrain monte doucement et se couvre de pommiers arrondis, d’un branchage si noir et si serré, que, même privés de feuilles, ils font obstacle à la vue. Quelques maisonnettes éparses s’étagent au pied de la colline, et puis la colline monte toute droite et ferme l’horizon par une ligne mollement ondulée, couronnée de végétation. Toute cette colline est un