Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/246

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plorer un regard de sa fille ; car enfin il n’est jamais entré dans l’esprit de cette malheureuse, si coupable qu’elle soit, de l’exploiter et de la perdre. Au contraire, elle se sacrifie, elle s’annule, elle s’en va… Je lui ferais grâce, et, comme la perversité est incorrigible dans de telles âmes, comme l’amour maternel ne les purifie pas, quoi qu’on en dise, le lendemain Irène dirait à Rébecca : « Je le savais bien, qu’on ne tiendrait pas rigueur à mes cent mille livres de rente ! »

Se charge qui voudra de Jeanne ! Sa destinée est un problème que je ne puis résoudre. L’amour me donnerait peut-être le courage de braver tous les soupçons, mais ce que je sens n’est pas de l’amour ; c’est un autre délire, et je serais bien lâche si je ne savais pas le surmonter.

Pourtant le danger y est, tu l’as dit !… Figure-toi qu’avec la résolution d’aller m’enfermer chez moi je suis resté dans le bois à l’attendre. Je voulais la voir passer sans qu’elle me vît, et, comme cette fois elle était accompagnée d’un vieux domestique de la Tilleraie, je n’avais pas à redouter un tête-à-tête. J’ai attendu cinq heures, et j’ai attendu en vain, elle avait pris un autre chemin ; alors, moi, j’ai été pris de je ne sais quelle impatience et de je ne sais quel besoin de la revoir. J’ai couru à la Tilleraie, où je m’étais juré de ne pas retourner avant la fin de la quinzaine, et, au lieu de revenir travailler, j’y ai passé la soirée.

Quand je suis arrivé, Jeanne était dans le jardin avec mademoiselle Vallier, toutes deux assises sur un banc. Jeanne semblait fatiguée ou triste. En me voyant, elle s’est ranimée, et, bien que je fusse à une certaine distance, j’ai entendu un cri de joie ou de triomphe mal étouffé. J’ai vu le geste de mademoi-