Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/250

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vers la fenêtre, j’ai eu assez de sang-froid pour voir que Gédéon était assis dehors ; puis je l’ai vu se lever, marcher dans la direction du pavillon, revenir, retourner et revenir encore. C’était une simple promenade, inquiète, agitée peut-être, mais sans intention d’aller chez sa fiancée, dont il paraît respecter aveuglément les moindres volontés. Pourquoi le fait-elle souffrir ? A-t-elle des caprices, elle aussi ? Moi, j’ai peur que les femmes ne vaillent rien !

Quand il est rentré, j’ai fait semblant de m’éveiller, et il n’a pu s’empêcher de rire, car sa fantasque pupille était en train de casser le piano. Il l’en a arrachée sans façon, et Jeanne s’est laissé prendre les mains, les bras et un peu la taille en riant aux éclats. Les sœurs sont rentrées aussi, et nous ont proposé je ne sais quel jeu de cartes où l’on se dispute. Je n’y comprenais rien. J’ai demandé à regarder jouer. Gédéon a été le partner de Jeanne. Ils se sont taquinés très-amicalement, et se sont dit, avec des regards émoustillés, de grosses injures. J’observais Jeanne. Elle est coquette, rien de plus, et j’ai été parfaitement sot de me croire l’objet d’une attaque sérieuse. Elle a fait bien plus de frais ce soir pour irriter, surprendre et occuper Gédéon qu’elle n’en avait fait pour moi ; je me suis retiré calmé. Voilà où j’en suis. Encore deux ou trois observations de ce genre, et le danger est passé. C’est une beauté qui parle aux sens. Elle l’ignore et cherche sans doute à éveiller une émotion plus sérieuse ; mais, malgré elle, son charme n’agit pas sur l’âme. Elle n’empêchera pas Gédéon d’aimer Aldine, et moi de trouver que Gédéon a raison.

Chose étrange, c’est quand je pense à mademoiselle Vallier que je me sens fort contre Jeanne, car il y a