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XXXVIII

DE PIERRE À PHILIPPE


L’Escabeau, 16 juillet.

Ce matin, j’ai vu passer l’ermite si près de ma baraque, que j’ai craint de manquer à tous les devoirs de l’amitié en n’allant pas le rejoindre. Je pensais en être quitte pour quelques instants de causerie, car il était équipé pour la pêche, et la pêche à la ligne requiert la solitude ou le silence ; mais, en me voyant, il a posé son attirail à terre, et, s’asseyant sous une saulée à la lisière d’un pré, il m’a dit d’un air confiant et amical :

— Causons !

L’endroit était charmant : le pré, doucement incliné vers l’eau, était tout parsemé de spirée-reine-des-prés et de grandes salicaires pourpres qui dépassaient princièrement la foule pressée des vulgaires plantes fourragères. Nous avions pour siéges et pour lits de repos de larges blocs de grès, masses hétérogènes descendues jadis de la colline et enfouies dans la terre, que leur dos usé et arrondi perce de place en place. Ces beaux grès propres et sains, semés dans l’herbe sous un clair ombrage, invitent au repos, et l’ermite les connaît bien.

— Voilà, me dit-il, un des riches et moelleux boudoirs que dame nature met à ma disposition. Il faut