Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/259

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répéter ce qui a prospéré avant eux, l’anéantissement de l’individu dans l’association !

— S’il est des socialistes qui veulent cette chose monstrueuse, je vous les abandonne de tout mon cœur, répliqua l’ermite ; mais est-ce que je vous parle, moi, d’anéantir ou seulement d’amoindrir l’individu ? Avec vos étroits systèmes philosophiques, qui ne veulent et ne peuvent jamais concilier les extrêmes et relier les antithèses par un troisième terme, vous rendez toute conclusion impossible. Vous voulez que l’individu prime l’association, et dès lors vous nous accusez de vouloir une association qui supprime l’individu. Nous ne sommes pas si exclusifs qu’il vous plaît de l’être. Nous voulons que tout homme cherche en lui-même les instincts, les facultés et le libre développement de son bonheur ; mais nous voulons aussi que tout homme sache qu’il ne trouvera en lui-même que la moitié de ce qu’il cherche et que l’égoïsme n’est qu’une demi-satisfaction sans réelle solidité, sans éléments suffisants du durée. Nous voulons que, tout en se rendant propre au bonheur et digne de le posséder par la sagesse, la poésie, la pureté des mœurs et le sentiment du beau et de bon, l’individu soit bien pénétré que ce bonheur-là est inséparable du bonheur des autres, et qu’il doit vouloir ardemment pour tous ses semblables la possibilité d’aspirer aux mêmes biens, c’est-à-dire à l’instruction, à une somme nécessaire de loisir, à l’absence des rigoureuses nécessités, des travaux excessifs et des maladies qu’engendre la misère, à la liberté, à la sécurité, à la notion de l’égalité sainte et de la fraternité en Dieu. Si tous les hommes n’ont pas ces moyens d’arriver au bonheur, aucune sagesse, aucune vertu, aucune force d’intelligence et de vo-