Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/311

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vous les avez avertis de ce que vous alliez faire ; vous êtes descendue de cheval ici, vous avez donné à votre monture un coup de cravache qui l’a fait partir au galop et s’en retourner gaiement à son écurie ; vous avez compté que je donnerais dans le piège, que je m’attendrirais sur l’accident, que je vous porterais chez moi ou que je vous reconduirais à votre gîte, enfin que je serais assez simple pour vous compromettre ; après quoi, en homme d’honneur, je serais dans la délicieuse nécessité de vous offrir mon cœur et mon nom. Eh bien, vous n’avez pas fait cela de vous-même, car vous ne m’aimez pas ; si vous m’aimiez, vous m’estimeriez un peu et vous ne me jugeriez pas capable de vous aimer par surprise, comme on aime la première venue. Vous avez été trompée ; on vous a dit que j’étais amoureux de vous, que ma fierté se refusait à vous implorer, et que, si vous faisiez naître un accident favorable, je succomberais à l’émotion pour tomber à vos pieds. Or, comme vous vous ennuyez de votre position, dont j’apprécie les difficultés et dont je plains les tristesses, vous avez consenti à jouer cette comédie de mauvais goût qui vous répugne et que vous n’avez pas seulement su mettre en scène.

Jeanne s’était rassise, j’entendais les sanglots briser sa poitrine. Était-ce une feinte ? Elle pouvait pleurer de colère. Je distinguais dans l’ombre son mouchoir blanc collé contre sa figure ; je le touchai sans qu’elle vit approcher ma main, il était parfaitement sec. Elle sentit mon mouvement et se retira en arrière avec indignation.

— Ne craignez rien, lui dis-je, je cherche vos larmes et je ne les trouve pas ; tant mieux pour vous !