Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/312

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

On dit que les femmes pleurent à volonté, et vous êtes trop franche et trop fière pour aller jusque-là.

— Écoutez ! dit-elle, ne me jugez pas sur les apparences. Il y a du vrai dans ce que vous avez dit ; mais vous ne savez pas ce que je pense. Si je me suis prêtée à une comédie dont vous n’avez pas été dupe, mes motifs ne sont pas ceux que vous supposez. Il est certain que je ne vous aime pas ; mais on a voulu me faire croire que vous m’aimiez, et pendant quelques jours je l’ai cru. Mon grand-père, M. Nuñez, mademoiselle Vallier, madame Duport, tous ceux qui m’entouraient s’efforçaient de nous engouer l’un de l’autre. Il me semblait voir que vous n’aviez pour moi que de l’antipathie ; je le disais, on me répondait que vous étiez furieux de m’aimer et que vous m’aimiez d’autant plus. Cela m’a peut-être rendue un peu indécise, un peu coquette, un peu curieuse ; vous pouvez bien me le pardonner, on me faisait perdre la tête ; je sentais qu’on me poussait peut-être à jouer un rôle ridicule et déplacé : j’avais des moments de lucidité, par conséquent de colère. Enfin tout à coup j’ai cru voir que vous aimiez mademoiselle Vallier, je le lui ai dit : elle l’a nié : je lui ai reproché de me tromper, nous nous sommes fâchées. J’ai quitté la Tilleraie très-mécontente de tout le monde et de moi un peu ; j’y reviens aujourd’hui ; et, ce soir, après de grands conciliabules entre madame Duport et M. Nuñez, on me propose l’équipée que je viens de faire, en me promettant qu’on ne me perdra pas de vue…

— Permettez, lui dis-je en l’interrompant ; est-on là auprès de nous ? entend-on ce que vous me dites ?

— Je n’en sais rien, mais peu importe, je suis résolue à tout braver, je veux savoir la vérité. C’est pour