Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/320

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tretien avec elle, j’ai trouvé chez lui Gédéon fort animé. Il venait de lui faire de vifs reproches, et le vieillard lui avait répondu avec fermeté qu’il me regardait comme investi du droit imprescriptible de lui disputer la main de mademoiselle Vallier. Il lui avait parlé avec tant de force et de raison, que Gédéon avait été ébranlé un instant ; mais bientôt il s’était montré d’autant plus irrité qu’il se sentait dans son tort.

Louis Duport, arrivé d’Allemagne ce matin à l’improviste, était là aussi, s’efforçant de le calmer, et s’y prenant fort mal, car il voulait lui persuader de renoncer à mademoiselle Vallier, la traitant de coquette ambitieuse, et jurant qu’elle avait voulu courir deux lièvres à la fois. M. Sylvestre défendait chaudement sa jeune amie, et on se disputait réellement quand je suis entré. N’étant pas au courant de ce qui s’était passé, je devais attendre qu’on m’adressât la parole. Le silence soudain qui m’accueillait était fort embarrassant. M. Sylvestre, visiblement inquiet de ma présence, dit à Gédéon :

— Nous reprendrons cette discussion quand vous voudrez, monsieur… Maintenant, j’ai affaire, je sors avec M. Sorède, et je vous salue.

Il me prit le bras avec autorité, et nous allions sortir, quand Gédéon, hors de lui et dans un véritable état de démence, s’est jeté sur moi avec l’intention de me frapper. Il est physiquement beaucoup plus fort que moi ; mais je crois que je me serais tué si j’avais reçu de lui cette insulte ; car, l’eussé-je lavée dans son sang, je n’aurais jamais osé me présenter devant Aldine avili par la main de mon rival. La crainte d’un tel affront a décuplé ma vigueur : j’ai terrassé Gédéon, je l’ai tenu sous moi comme un enfant, et, sans