Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/334

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dit depuis l’événement. Du moment que le malade a eu sa connaissance, Gédéon ne s’est plus approché de son lit, il a même évité d’attirer ses regards. J’ai d’abord combattu le désir du blessé : je craignais de l’émotion, je craignais aussi quelque retour de colère chez son rival, j’ai du céder. Pierre m’a dit :

— J’ai besoin de le voir. J’ai entendu qu’il allait partir, j’ai quelque chose à lui dire auparavant.

Gédéon, averti de ce désir, a été fort troublé et comme hésitant. Il m’a semblé que, ne craignant plus la mort de son adversaire, il sentait revenir son dépit. Je lui ai dit que, s’il était mal disposé, il valait mieux refuser l’entrevue. Il a répondu :

— Non, je ne le dois pas, il faut que je lui demande pardon, car j’ai eu tous les torts. Cela me coûte, n’importe ! allons !

Il est entré dans la chambre, et, comme il s’approchait avec répugnance, Pierre lui a tendu la main en lui disant :

— Il faut me pardonner !

Touché de cette générosité, Gédéon a fondu en larmes. Ils se sont embrassés. Gédéon lui a dit :

— Soyez heureux ! Je pars demain. J’ai été fou ; je l’ai payé cher. Je mérite ma punition.

Je suis intervenu.

— Avez-vous quelque autre chose à vous dire ? Dois-je me retirer ? Je ne vous donne que cinq minutes. Pierre ne doit pas se fatiguer.

— Il m’a embrassé, a répondu Pierre ; c’est tout ce que je voulais.

Gédéon est sorti en lui disant :

— Vous valez mieux que moi.

Bonsoir, chère bonne mère. Tu vois que ce triste