Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/341

La bibliothèque libre.
Aller à la navigation Aller à la recherche
Cette page n’a pas encore été corrigée

gne merveilleusement appropriée aux exigences de son milieu et aux besoins de sa position. Il ne m’a jamais dit une seule fois, en me parlant de sa passion pour elle : « Mon but et mon ambition, c’est de rendre heureuse et libre une sainte fille qui n’a connu que l’esclavage ou la misère. » Il n’y a jamais songé ! Aussi ce qu’il appelait passion n’était qu’un calcul ennobli par un instinct de reconnaissance, mais calcul quand même, comme tout ce qui germe dans ces dures et fortes têtes israélites. Si j’ai penché vers lui la balance pendant quelques instants, c’est que je ne voyais pas encore bien clair dans sa nature ; il m’a fallu la lettre d’Aldine pour trouver le secret de l’indifférence qu’il ne pouvait, qu’il n’aurait pu jamais vaincre, même si elle fut devenue sa femme. Elle n’eût été dévouée qu’au devoir. Oh ! mon cher enfant, ne devenez jamais ce que deviennent la plupart des hommes à qui Dieu accorde une compagne ainsi faite ! Ne vous contentez pas de l’avoir soumise et fidèle par vertu, car il s’agit d’être heureux, après avoir tant cherché dans les régions philosophiques cet idéal que Dieu a mis sur la terre, tout bonnement comme il y a mis le cèdre et la rose. Respectez le vaste ombrage de l’arbre, adorez les parfums de la fleur. Ne dites pas que cela vous était dû plus qu’à un autre, songez tous les jours à le mériter. Ne vous endormez pas une seule fois sans bénir l’auteur de toute félicité humaine. Il n’a pas fait pour vous tel ou tel de ses bienfaits ; il en a semé la vie, et il vous a donné un cœur pour comprendre et savourer chaque don de sa munificence infinie.

C’est ainsi que me parle cet homme pur et vraiment pieux. Je ne me défends plus de ses croyances, je les aime, en attendant que je les partage ; car pourquoi