Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/49

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songe, si nous continuons à le prendre au pied de la lettre. C’est donc pour nier le bonheur absolu, c’est pour détruire un leurre funeste, c’est pour dire en conscience la valeur des biens de la vie et pour apprendre aux hommes à les mieux apprécier que je voudrais résumer les idées qui m’apparaissent. Réussirai-je ? Il est aisé de remplir des pages, il est difficile de fixer l’éclair du vrai, car on aura beau dire, la vérité n’est qu’un jet de lumière, et il ne dépend pas de nous d’en faire un soleil.

Ta belle philosophie n’est que trop facile à combattre. Veux-tu me dire pourquoi, remplissant tous les devoirs qui m’étaient tracés jusqu’à ce jour, je ne me suis senti heureux que le jour où je les ai abjurés pour m’en créer d’autres ? Si le devoir est relatif, le bonheur est donc relatif aussi. S’il est relatif, il n’est pas absolu. Il y a des devoirs accomplis qui nous le donnent, il en est d’autres qui nous l’ôtent.

Pratiquer la justice ! nous disaient les anciens. — Quelle justice ? A-t-elle assez changé, la justice humaine, depuis Platon et Aristote ! Obéir aux lois ! Où sont les lois durables ? que sont devenus les devoirs de l’esclave ? Et puis, si vous me parlez de justice, de morale et de vertu, vous me parlez de toute autre chose que du bonheur, vous confondez le travail avec la récompense, et, si vous voulez faire de l’un la conséquence de l’autre, vous faites un calcul en dehors de toute proportion, car le plus grand et le plus noble travail humain étant toujours incomplet, il n’a pas droit à la récompense absolue.

Les religions qui ont placé le bonheur absolu au delà de cette vie n’ont pas vu plus clair que les moralistes païens. Leur calcul de rémunération est même