Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/53

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Ce n’est pas que ma solitude volontaire me pèse ; j’ai été passer une journée à Paris, et je m’y suis trouvé plus seul qu’ici. Il fallait me décider à reparaître, car je prévoyais quelque sotte ou folle histoire répandue sur ma disparition, et je ne me trompais pas. Les uns, disaient que j’avais été enlevé par une femme, les autres tué par un mari. Il y avait une version sur mon suicide, une autre sur mon départ pour l’Amérique. Grâce au dépit irréfléchi de mon oncle, on sait que nous sommes brouillés, et généralement on me supposait furieux ou désespéré. La cause de notre différend est heureusement restée à l’état de commentaire, et j’en ai été quitte pour dire, sans entrer dans aucun détail, qu’il voulait me marier, et que j’avais l’aversion du mariage. J’ai dit aussi que j’avais en vue une très-bonne place qui m’était promise dans les chemins de fer, et qu’en attendant je voyageais pour me mettre au courant de mes fonctions ; j’ai fait ce mensonge pour ne pas apitoyer mes amis sur mon compte, pour échapper aux offres de service, — lesquelles n’ont été en général ni brillantes ni empressées, je dois le dire, — enfin pour ne pas trahir le secret de mon travail et de ma retraite. Je ne connaîtrais rien de sot comme d’annoncer que je vais faire un livre, moi qui n’ai encore donné aucune preuve de talent. Je ris en songeant à la figure qu’on eût faite devant cette annonce, et aux questions naïvement décourageantes : « Vraiment, vous allez écrire ? Est-ce que vous savez ? Avez-vous essayé déjà ? Croyez-vous avoir du talent ? C’est bien difficile, et tant de gens s’y cassent le cou ! C’est un métier où il faut être tout ou rien, etc., etc. »

Je me suis épargné la grêle des lieux communs en