Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/54

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ne disant rien du tout pour les provoquer, et en m’informant des autres sans leur donner le temps de s’inquiéter de moi. J’ai appris en quelques heures une chose que je ne savais pas, c’est qu’il n’y a rien de plus facile que de ne pas inspirer le moindre intérêt à ceux qui se disent nos amis. L’amitié ! voilà encore une pure abstraction, un type idéal dont nous traçons d’informes ébauches… Ne m’appelle pas ingrat. Je n’aime que toi, et je t’aime autant que je peux aimer. Je sens en toi une exception, je suis heureux de l’avoir rencontrée : si je te perdais, je n’en espérerais pas, je n’en chercherais pas une seconde.

Je savais déjà par mon ami Diamant, qui habille un ami de mon oncle, que ce cher oncle se porte bien ; je m’en suis assuré de nouveau. J’ai appris que Louis Duport était marié avec mademoiselle Nuñez, et que cette aimable personne attribuait ma querelle avec M. Piermont à un sermon que je me serais permis de lui faire sur sa vieille maîtresse ; il m’aurait souffleté et mis à la porte.

— Et c’est bien fait, ajoute la bienveillante Rébecca.

Arthur et André ont voulu m’emmener dîner chez Magny. L’animal que je suis a été tenté d’accepter. Manger quelque chose de savoureux, boire quelque chose d’excitant après un mois de régime Spartiate, c’était alléchant ; mais, en songeant que je n’avais pas le moyen de rendre la pareille à mes camarades, j’ai fait taire la brute, j’ai prétexté un engagement, et j’ai été manger la soupe du cœur de mon ami Diamant, c’est ainsi qu’il s’exprime. Là, je ne sens aucune honte de ma misère. Ces gens sont vrais et bons. Je les ai crus bêtes parce qu’ils disent des choses bêtes ; mais