étend la main vers une friandise, et répondit d’un air patibulairement paterne :
— Mon cher monsieur, mon gendre sera celui qui plaira à ma fille.
— Ah ! et si votre grand nègre lui plaisait !
— Farceur ! les noirs ne plaisent jamais aux blanches, et, quoique ma fille ne soit pas créole, elle a les principes qu’elle se doit. Née et élevée en France, elle est bien un peu trop Française pour autre chose. Sa mère l’avait habituée à se mêler de tout. Vous savez, les femmes normandes, ça veut mener les affaires autant que le mari. Ce n’est pas un mal quand le mari est absent ; mais, quand il est revenu, bonsoir le règne des cotillons. Il ne faut qu’un maître dans un ménage. Au reste, ma femme est morte, et ma fille s’est mise au pas. Elle ne me contredit en rien ; elle a accepté le véritable rôle qui convient à la femme, ne rien dire, ne rien faire et ne rien savoir.
Ceci, débité en des termes dont je ne saurais rendre l’accent ignoble, me donna, comme tu penses, une haute idée de ma future, et dès lors, ne pouvant plus prendre au sérieux le projet de mon oncle, je résolus de m’amuser.
— Monsieur, puisque je vous inspire tant de confiance que vous daignez m’initier à vos doctrines sur la famille, j’oserai vous demander quel sera auprès de vous le rôle de votre heureux gendre.
— Il sera bien simple, mon cher enfant, répondit le drôle pris au piège et enchanté de moi : pour apprendre à commander, il faut apprendre à obéir, et mon gendre, devant me succéder dans mon autorité absolue, commencera par étudier mon système et par s’y conformer.