Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/76

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sa figure : elle était enveloppée d’un capuchon de tricot comme en portent les villageoises d’ici et les femmes du peuple à Paris ; mais cette coiffure, au lieu d’être fixée au-dessus du front et garnie de pompons de laine ou d’une ruche de rubans, était lâche, couvrait les cheveux et se terminait par une épaisse dentelle de tricot noir qui retombait jusqu’à la bouche. La précaution de se voiler ainsi a été prise à mon approche, car la personne était penchée sur la source et y remplissait une petite cruche. Le capuchon était tombé, et je voyais une chevelure magnifique serrée en grosses touffes sur un cou d’une blancheur aristocratique ; mais, au bruit de mes pas, le capulet a été vivement relevé, et l’on s’est, en outre, détourné comme par hasard, mais avec intention, je crois, au moment où je passais, de sorte que je n’ai vu que la taille élancée, les formes assez riches sous un vêtement large, qui n’est pas celui d’une servante, et qui n’est pourtant pas celui d’une demoiselle. C’est quelque artisane un peu fantaisiste. Elle est certainement laide, puisqu’elle se cache avec un soin réel, pis que laide, défigurée probablement. Ça m’est égal, elle a charmé mon cœur par sa démarche. Je n’ai jamais rien vu de plus suave, de plus chaste et de plus gracieux que le mouvement de son bras portant la cruche et de ses petits pieds montant le sentier qui conduit chez elle. Elle n’était pas chaussée pourtant, la pauvre fille. Elle avait des pantoufles de laine noire propres, mais dix fois trop larges, et elle a failli en laisser une au bas de l’escalier. J’ai vu le rapide mouvement de honte ou de pudeur, l’adresse pour ressaisir sans se baisser cette ingrate chaussure, mais j’ai vu aussi le bras très-blanc et le pied mignon.