Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/86

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grande chose en voie de formation, n’a pas encore compris l’œuvre immense qu’elle a à faire. Jusqu’ici, elle s’est occupée à distinguer ; il serait temps qu’elle apprît à confondre. Elle dissèque et marque les différences ; elle devrait commencer à coudre et à marquer les rapports. Ainsi disparaîtraient les solutions de continuité de l’esprit humain. Enfin, patience ! ça viendra. La philosophie de l’avenir sera une, et tous les grands ouvriers y trouveront leur place. Tenez, l’autre jour, un Savoyard promenait dans le village une grande machine carrée, longue, avec des compartiments et des vitres rondes grossissant les tableaux exposés à l’intérieur de la boîte. Je regardais Londres, mon voisin voyait Venise, un troisième le port de Marseille. Il y en avait sept comme cela. Aucun de nous ne voyait la même ville ; mais tous nous avons emporté la notion de ce que c’est qu’une ville, et celui de nous qui les a toutes regardées l’une après l’autre est celui qui a eu la notion la plus complète des conditions nécessaires à l’établissement et à l’appropriation d’une capitale. La cité de l’esprit humain se bâtira ainsi avec tous les monuments de l’esprit humain. Voyons, laissons là le bonheur ; cela ne se démontre pas autrement que la sagesse. Rêvez un peu la sagesse qu’il vous plairait d’avoir ; n’y mettriez-vous pas la force et la douceur, la tendresse et la raison, l’équité et la miséricorde, la patience et le zèle, le désintéressement et l’ambition noble, l’ardeur et la résignation, c’est-à-dire tous les contraires ? Vous vous apercevriez bientôt que vous vous composez une perfection avec tous les éléments puisés dans des philosophies différentes qui pourtant s’accorderaient fort bien dans votre aspiration géné-