Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/87

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reuse, et dont aucune maille ne déparerait votre filet. Donc, vous ne pouvez pas concevoir un idéal qui ne soit pas la réalisation de l’idéal saisi par tous vos devanciers à tous les points de vue possibles, et, si vous ne pouvez rêver la sagesse que sous une forme déjà acquise à l’humanité, la sagesse n’est pas un vain mot, et la possession de ce trésor n’est pas un rêve. Ainsi du bonheur, cher enfant : nous le concevons, donc il existe, et que nous l’ayons négligé, conquis ou perdu, il est un fait à la fois idéal et matériel que nous ne pouvons ni nier ni détruire.

J’essaye de te transcrire ses paroles ; mais il y mettait tant de chaleur, de conviction et de bonhomie, que je l’aurais écouté tout le jour et toute la nuit. Tout à coup il cessa de parler et parut continuer en lui-même sa démonstration. Je jugeai qu’il devait avoir ses heures ou ses fantaisies de recueillement, et je le quittai en l’invitant à venir me voir à son tour, ce qu’il me promit avec cordialité.

Comme je traversais les Grez pour m’en revenir, je tombai dans un groupe de villageois qui causaient à la porte du cabaret. Ici, tout le monde salue les passants, et je me hâtai de prévenir ces gens affables.

— Vous venez de rendre visite à l’ermite ? me dit l’un deux. Eh bien, monsieur, l’avez-vous trouvé de votre goût ?

— Parfaitement, monsieur. Il est fort aimable. N’est-ce pas votre avis ?

Celui qui venait de m’interpeller, et que j’interpellais à mon tour, était un gros homme riant. Je me rappelai l’avoir vu dans la cour d’un moulin voisin, faisant charger des sacs. C’est le maître meunier.