Page:Sand - Monsieur Sylvestre.djvu/88

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— Oh ! moi, dit-il, je l’aime beaucoup. C’est un brave homme, pas cagot pour un moine !

— Qu’est-ce que vous dites donc là, Tixier ? s’écria une commère à la lèvre barbue et à l’œil intelligent. M. Sylvestre n’est pas plus moine que vous et moi !

— Je sais bien, dit le meunier ; mais un ermite, c’est toujours une espèce de prêtre.

— Celui-là est ermite pour son plaisir, reprit la matrone. Il n’est jamais entré dans une église, que je crois ! Il dit, comme ça, qu’il adore Dieu dans le temple de la nature.

— Preuve que c’est un fou ! dit un autre interlocuteur.

— Oh ! vous, vous êtes dévot, vous ne l’aimez point !

— Je l’aimerais tout de même, s’il était pauvre comme il paraît, car il n’est ni quémandeux ni méchant ; mais c’est un vieux farceur, qu’on dit qu’il a plus de… Enfin je ne sais pas, mais on dit que, s’il voulait, il achèterait tout le pays, et le monde avec.

— Rien que ça ! voyez-vous ! fit la commère en haussant les épaules ; tenez, Jean, vous êtes plus bête que vos sabots ! Je vous dis que M. Sylvestre n’a pas vingt sous par jour à dépenser, et que, s’il tombait malade, je courrais le chercher, moi, car il mourrait de misère, si on l’abandonnait. Pas vrai, monsieur, dit-elle en se tournant vers moi, que c’est un homme d’esprit et qui se respecte tout à fait ?

— C’est mon opinion, madame. Y a-t-il longtemps qu’il demeure dans le pays ?

— Dix ans, monsieur, et on n’a jamais su d’où il sortait, c’est ce qui fait tant jaser. Les uns veulent qu’il ait fait un crime, les autres que ce soit un ancien