Page:Sand - Mont-Reveche.djvu/183

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— Soyez tranquille, mon père, répondit-elle en prenant son bougeoir pour se retirer ; quelque chose qui arrive, je n’engagerai point avec votre femme une lutte où je sais que je serais vaincue, et elle pourra dormir sur l’oreiller de ma mère sans que j’y enfonce une épingle.

— Allons, dit Dutertre quand elle fut sortie, celle-là est cruelle et impitoyable. Ô mon Dieu ! sa mère était bonne pourtant, et nous ne vous avons jamais offensé ni l’un ni l’autre ! Comment des êtres conçus et enfantés dans l’amour viennent-ils au monde le sein déjà gonflé du venin de la haine !

Et Dutertre, étonné du triste courage avec lequel il s’était laissé torturer, résolut d’aller fortifier et consoler Amédée, ce généreux enfant qui subissait et partageait toutes ses angoisses.




XV


— Eh bien, lui dit-il en entrant dans le pavillon, je sais tout, et ta peux parler librement. Le mal est grand, mais moins grand que je ne pensais. De mes deux filles aînées, également déraisonnables dans leur genre, une seule est vraiment hostile à mon bonheur. Éveline est bonne, et le cœur, joint à un fond d’équité naturelle, la ramènera toujours. Nathalie est une barre de fer, et s’appuie, pour blâmer et haïr, sur une si étrange théorie d’autorité, que je ne vois pas le remède… Cependant il doit exister : cherchons-le ensemble.

— Nathalie est une nature bizarre et sera difficilement heureuse, répondit Amédée. Il faut même s’attendre à ce qu’elle ne trouve jamais que des satisfactions relatives et incomplètes dans la vie. Mais n’est-il pas temps de vous