Page:Sand - Nanon, 1872.djvu/126

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Elle voulut s’en prendre au clergé et empêcher le culte, même dans les maisons particulières. Le roi s’y opposa encore, et, comme de juste, nous étions tous royalistes à Valcreux, car nous tenions à notre messe et nous aimions M. le prieur, ce qui ne nous empêchait pas d’être aussi très révolutionnaires et de vouloir conserver ce que la Constitution avait fait. Si l’opinion du plus grand nombre des Français avait prévalu, on n’aurait pas été au-delà. Mais deux orages nous menaçaient, la haine des nobles et des prêtres contre la Révolution, la haine des révolutionnaires contre les prêtres et les nobles ; les passions tendaient à remplacer les convictions. Notre pauvre France agricole allait être écrasée entre ces deux avalanches sans presque savoir pourquoi et sans pouvoir prendre parti dans sa conscience pour les uns ni pour les autres.

Au commencement d’août 92, M. Costejoux vint nous voir, il arrivait de Paris. Il prit Émilien à part :

— Mon enfant, lui dit-il, savez-vous si M. le prieur a prêté serment à la Constitution ?

— Je ne crois pas, dit Émilien, qui ne savait pas mentir, mais qui craignait d’avouer la vérité.

— Eh bien, s’il ne l’a fait, reprit l’avocat, tâchez qu’il le fasse. Les ecclésiastiques sont très menacés. Je ne puis vous en dire davantage, mais je vous parle très sérieusement ; vous savez que je m’intéresse à lui.

Émilien avait bien déjà essayé plusieurs fois de persuader le prieur. Il n’avait pas réussi. Il m’expliqua bien de quoi il s’agissait et me chargea de l’affaire.

Ce ne fut pas facile. D’abord, le prieur voulut me battre.