Page:Sand - Narcisse, 1884.djvu/273

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ce moment. Oh ! comme la pendule bat vite ! aussi vite que mon cœur !… Narcisse, mets-y ta main… et compte…

Ce furent là ses derniers mots. Narcisse sentit le tumulte de ce pauvre cœur prêt à se rompre ; et puis il ne sentit plus rien, et ses yeux hagards restèrent fixés sur ceux de Juliette. Peut-être le voyait-elle encore. Elle lui avait souri. Le sourire s’effaça insensiblement ; la face prit une expression d’austère béatitude. Cette étrange beauté, que je lui avais vue par moments, et qui, depuis quinze jours, avait fait place aux apparences d’une vieillesse prématurée, reparut comme une auréole lumineuse sur les ombres de la mort.

Hortense, baignée de larmes, avança une main tremblante pour abaisser ses paupières. Narcisse, aussi maître de lui-même que s’il était encore sous les yeux vivants de Juliette, repoussa doucement la main de sa sœur, ne voulant laisser à personne le soin de fermer pieusement ces yeux si beaux qui ne devaient plus lui parler en ce monde.

Alors seulement il pleura, mais en silence, et sans donner aucun signe de désespoir. Il suivit ainsi Juliette jusqu’à ce que la terre se fût refermée sur elle. Le docteur s’inquiétait un peu d’une douleur si discrète et si renfermée. Il essaya de l’émouvoir pour amener une crise qu’il jugeait utile ; mais ce fut en vain. Les dernières paroles de Juliette étaient gravées dans la mémoire de son époux.