Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/61

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à cette entrevue une idée de regret, je vous dois et je vous accorde de tout mon cœur ce faible dédommagement. En ce cas, comme je ne veux pas vous faire sacrifier un temps précieux à m’attendre, je vais vous fixer le jour, afin que vous ne me trouviez point absente. Soyez donc à Saint-Sauveur le 15, à neuf heures du soir. Vous irez m’attendre chez moi, et vous me ferez avertir par ma négresse. Je rentrerai aussitôt. Le paquet sera prêt… Adieu ! »


Sir Lionel fut désagréablement frappé de l’arrivée du second billet. Elle le surprit au milieu d’un projet de voyage à Luchon, pendant lequel la belle miss Ellis, sa prétendue, comptait bien sur son escorte. Le voyage devait être charmant. Aux eaux, les parties de plaisir réussissent presque toujours, parce qu’elles se succèdent si rapidement, qu’on n’a pas le temps de les préparer ; parce que la vie marche brusque, vive et inattendue ; parce que l’arrivée continuelle de nouveaux compagnons donne un caractère d’improvisation aux plus menus détails d’une fête.

Sir Lionel s’amusait donc aux eaux des Pyrénées, autant qu’il est séant à un bon Anglais de s’amuser. Il était, en outre, passablement amoureux de la riche stature et de la confortable dot de miss Ellis ; et sa désertion, au moment d’une cavalcade si importante (mademoiselle Ellis avait fait venir de Tarbes un fort beau navarrin gris pommelé, qu’elle se promettait de faire briller en tête de la caravane), pouvait devenir funeste à ses projets de mariage. Cependant la position de sir Lionel était embarrassante ; il était homme d’honneur, et des plus délicats. Il alla trouver son ami sir Henry pour lui faire part de ce cas de conscience.

Mais, pour forcer le jovial Henry à lui accorder