Page:Sand - Nouvelles (1867).djvu/62

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une attention sérieuse, il commença par le quereller.

— Étourdi et bavard que vous êtes ! s’écria-t-il en entrant ; c’était bien la peine d’aller dire à votre cousine que ses lettres étaient entre mes mains ! Vous n’avez jamais été capable de retenir sur vos lèvres une parole dangereuse. Vous êtes un ruisseau qui répand à mesure qu’il reçoit ; un de ces vases ouverts qui ornent les statues des naïades et des fleuves : le flot qui les traverse ne prend pas même le temps de s’y arrêter…

— Fort bien, Lionel ! s’écria le jeune homme ; j’aime à vous voir dans un accès de colère : cela vous rend poétique. Dans ces moments-là, vous êtes vous-même un ruisseau, un fleuve de métaphores, un torrent d’éloquence, un réservoir d’allégories…

— Ah ! il s’agit bien de rire ! s’écria Lionel en colère ; nous n’allons plus à Luchon.

— Nous n’y allons plus ! Qui a dit cela ?

— Nous n’y allons plus, vous et moi ; c’est moi qui vous le dis.

— Parlez pour vous tant qu’il vous plaira ; pour moi, je suis bien votre serviteur.

— Moi, je n’y vais pas, et, par conséquent, ni vous non plus. Henry, vous avez fait une faute, il faut que vous la répariez. Vous m’avez suscité une horrible contrariété ; votre conscience vous ordonne de m’aider à la supporter. Vous dînez avec moi à Saint-Sauveur.

— Que le diable m’emporte si je le fais ! s’écria Henry ; je suis amoureux fou depuis hier au soir de la petite Bordelaise dont je me suis tant moqué hier au matin. Je veux aller à Luchon, car elle y va : elle montera mon yorkshire, et elle fera crever de jalousie votre grande aquilaine Margaret Ellis.

— Écoutez, Henry, dit Lionel d’un air grave ; vous êtes mon ami ?