Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/26

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d’un noir de jais ; son œil, tout à l’heure éteint, lançait des flammes. Il avait la grâce inséparable des belles formes et des fines attaches, et, bien qu’il dansât la bourrée classique comme un vrai paysan, il faisait de cette chose lourde et monotone une danse de caractère pleine de verve et de plastique. Il avait bien un peu de vin dans les jambes, mais en peu d’instants cette incertitude se dissipa, et il me sembla qu’il tenait à m’apparaître dans tous ses avantages physiques pour dissiper la mauvaise opinion qu’il avait pu m’inspirer à première vue.

Tout en me demandant pour quelles fins il avait parcouru presque toute la France, il me vint à l’esprit qu’il avait pu être modèle. Quand il retourna dans le cabaret, où je le suivis et où on le pria de chanter, je me persuadai qu’il avait été chanteur ambulant ; mais il avait la voix fraîche et disait les chansons du pays avec une simplicité charmante qui était d’un artiste et non d’un virtuose de carrefour.

Peu à peu mes idées sur son compte s’embrouillèrent. J’avais chaud, et j’avais accepté sans méfiance quelques rasades d’un vin clairet qui semblait très-innocent, mais qui par le fait était extraordinairement capiteux. Je sentis que, si je ne voulais