Page:Sand - Pierre qui roule.djvu/28

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percevoir du voisinage d’un âne qui dormait debout, le nez dans son râtelier vide.

Je fis comme l’âne, je m’endormis d’un sommeil aussi paisible que le sien. Quand je m’éveillai, le jour commençait à poindre, l’âne dormait toujours, et pourtant il avait des inquiétudes dans les jambes, et faisait de temps à autre résonner la chaîne de ses entraves. J’eus quelque peine à m’expliquer comment je me trouvais en ce lieu et en cette compagnie ; enfin la mémoire me revint, je me levai, je secouai mon vêtement, je lissai mes cheveux, je me réhabilitai un peu à mes propres yeux en constatant que je n’avais pas perdu mon chapeau, et, me sentant parfaitement dégrisé, je repris sans peine le chemin de l’hôtel du Grand Monarque en me disant que madame Ouchafol ne manquerait pas d’attribuer ma rentrée tardive à quelque bonne fortune. Je n’eus que le temps de faire ma toilette et d’avaler une tasse de café ; à quatre heures sonnantes, le beau Laurence frappait à ma porte. Il n’avait pas dormi, lui, il avait dansé et chanté toute la nuit ; mais il ne s’était pas enivré, il m’avait tenu parole. Il s’était jeté dans la rivière en quittant la noce ; ce bain l’avait rafraîchi