Page:Sand - Questions d’art et de littérature, 1878.djvu/30

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d’intention ! que de fraîcheur dans cette voix, que de finesse dans ce sourire, que de charme et que de soin dans les moindres détails de la pantomime ! »

Et personne n’apportait de contradiction. Le moyen, s’il vous plaît ?

Alors ceux qui se sentent plus immédiatement dominés par la puissance théâtrale de madame Dorval disaient que Jeanne Vaubernier, introduite dans les jardins de Louis XV sous le riche habit d’une comtesse, elle, la petite grisette à la lois si gauche et si décidée, était peut-être plus dans l’esprit de son personnage que la belle Suzanne mal déguisée en Suzon. Les enfantillages de madame Dorval ont moins de séduction peut-être que ceux de mademoiselle Mars, mais il font rire d’un rire plus franc et plus joyeux. On songe moins à l’admirer. Elle y songe si peu elle-même ! elle est si pénétrée de la situation qu’elle retrace ! elle oublie tellement l’amour-propre de la femme pour s’abandonner, ardente et généreuse qu’elle est, à la tâche enthousiaste de l’artiste !

Alors de belles femmes aux yeux bleus, au front droit et ferme, laissèrent échapper de leurs lèvres calmes et discrètes ces éloges épurés que mademoiselle Mars aime sans doute à mériter. Elles déclarèrent que le personnage de Clotilde[1] était le plus fermement tracé qui eut encore paru sur la scène moderne ; elles rappelèrent tous ces mots si solennellement vrais, toutes ces notes de l’âme si nettement attaquées et cette expression calme, profonde, ce recueillement presque religieux de la passion qui fermente, ces larmes du cœur qui ne vont pas jusqu’aux

  1. Dans le drame de Frédéric Soulié qui porte ce titre.