Page:Sand - Questions politiques et sociales.djvu/239

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’édifice social. En supposant que son triomphe soit prochain, savez-vous que, si vous lui montrez tant de couardise ou d’aversion, si vous mettez vos mains devant vos yeux pour ne pas le voir, de même que si, vous armant de résolution, vous provoquez contre lui des haines aveugles, vous allez lui donner une importance, un ensemble, une lumière qu’il ne se flatte pas encore de posséder ? Vous êtes toujours les hommes d’hier, vous croyez toujours que c’est par la lutte hostile et amère que vous pouvez sauver votre opinion. Vous êtes dans une erreur inconcevable. Vous ne voyez donc pas que l’égalité, à laquelle vous avez droit comme le peuple, ne s’établira que par la liberté ? J’invoquerais aussi la fraternité, si je pouvais croire qu’il existât parmi vous un cœur assez desséché pour que ce mot ne portât pas en lui-même toute sa définition, la santé de l’âme.

J’augure mieux de vos sentiments, mais je crains pour vos idées ; je ne les trouve ni logiques ni rassurantes. Si vous ne les transformez pas, elles amèneront l’anarchie ; non pas une anarchie sanglante : si elle éclatait sur quelques points, le peuple, tout le premier, ce peuple généreux et ami de l’ordre, que vous ne connaissez pas encore, vous sauverait des fureurs du peuple ; mais une anarchie morale qui paralysera les travaux de la nouvelle constitution et, par conséquent, la vie morale et matérielle de la France.

Vous, riches, vous êtes plus intéressés que personne à empêcher cet engorgement de la sève qui